C’est Wozzeck, pauvre fou, bouffon triste, victime
De l’univers absurde, où il n’est que pantin,
C’est Lulu, fabuleuse et fragile putain,
C’est Berg, et c’est l’amour et la souffrance ultimes.
Il s’appelait Wozzeck. Il n’avait pas de chance,
En général ; plutôt timoré, pas malin,
Peu bavard, pas très fier, encore moins enclin
À se battre, il n’aimait guère la violence.
D’un gradé beau parleur, il était l’ordonnance,
Subissant d’infinis sermons ; un médecin
Remplissait son corps d’eau et d’huile de ricin ;
Sa femme le trompait, avec persévérance.
Wozzeck prend la parole et personne n’écoute…
Il se fâche : les gens ne le remarquent pas…
Il égorge sa femme et quelqu’un dit : voilà
Une morte de plus. Au milieu de la route,
Wozzeck se tient ; il est tout seul, sur le chemin,
Et personne ne voit cet homme – qui n’est rien.
1993.