Wozzeck

C’est Wozzeck, pauvre fou, bouffon triste, victime
De l’univers absurde, où il n’est que pantin,
C’est Lulu, fabuleuse et fragile putain,
C’est Berg, et c’est l’amour et la souffrance ultimes.

 

Il s’appelait Wozzeck. Il n’avait pas de chance,
En général ; plutôt timoré, pas malin,
Peu bavard, pas très fier, encore moins enclin
À se battre, il n’aimait guère la violence.

D’un gradé beau parleur, il était l’ordonnance,
Subissant d’infinis sermons ; un médecin
Remplissait son corps d’eau et d’huile de ricin ;
Sa femme le trompait, avec persévérance.

Wozzeck prend la parole et personne n’écoute…
Il se fâche : les gens ne le remarquent pas…
Il égorge sa femme et quelqu’un dit : voilà

Une morte de plus. Au milieu de la route,
Wozzeck se tient ; il est tout seul, sur le chemin,
Et personne ne voit cet homme – qui n’est rien.

1993.

 

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Wozzeck , affiche pour la production à Varsovie de 1964, Jan Lenica

Lulu (d’après Berg)

Elle les séduisait, jeu habile et malsain,
Le peintre, le docteur, et des dizaines d’hommes
Dont elle connaissait les faiblesses ; en somme,
C’était une putain, rien de plus, rien de moins.

Si l’un veut l’épouser, l’autre veut des caresses,
Le troisième se tue… Et tous, comme des fous,
De courir derrière elle et de supplier ; tous,
Amoureux, à jamais, de cette enchanteresse.

Elle est comme un serpent qui, sans douleur, vous mord,
Et vous suce le sang ; les fleurs les plus sauvages
Composent son parfum, qui respire la mort.

Elle ne porte aucun nom, elle n’a pas d’âge,
Elle est Femme, éternelle, au sourire pervers,
Et chaque homme se noie en l’or de ses yeux verts.

1993.

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Barbara Hannigan, principale interprete de Lulu
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Barbara Hannigan, dans Lulu, La Monnaie, Bruxelles (2012)