Temple oublié

en visitant Ta Prohm

Au milieu des linteaux, des éboulis de pierres,
Des seuils fendus, des toits percés, des murs en ruines,
On aperçoit les troncs fabuleux, les racines
D’ immenses fromagers, sentinelles altières.

Quel est ce temple ancien, ce triste sanctuaire,
Où le bois au mortier se mêle, s’agglutine ?
Pourquoi cet abandon soudain, guerre intestine,
Séisme, pandémie, invasion étrangère ?

Chaque branche a brisé les frontons, les terrasses,
Et les racines sont comme des mains voraces,
Les bras longs et noueux d’invincibles titans…

Homme, tu n’es que peu de chose dans le monde :
Ce que tu bâtis dure à peine une seconde,
Un battement de cœur dans l’espace et le temps.

juillet 2019 – avril 2021.

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L’extraordinaire temple de Ta Prohm (Angkor), envahi par la végétation

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Temple d’Angkor

en visitant Bayon

C’est un temple endormi dans la chaleur d’Angkor.
On y rêve un instant, admirant les sculptures,
Les sveltes apsaras aux étranges postures
Dont s’agitent les mains dans ce divin décor.

Le soleil qui se couche étend un fleuve d’or,
Et fait briller les arcs, les lances, les armures,
Les casques de soldats aux féroces figures,
Khmers et Chams mélangés dans d’âpres corps-à-corps !

Sur le sommet des tours, loin des combats, des glaives,
Tu découvres soudain les visages semblables,
Les regards bienveillants de bouddhas innombrables…

Dans le soir calme et doux, quand la lune se lève,
N’entends-tu pas leurs voix qui sourdent de la pierre,
Et te disent, tout bas, des choses familières ?

juin 2019 – avril 2021.

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Les apsaras du temple de Bayon
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Les bas-reliefs, d’une grande richesse

Bayon 4

Bayon 3
Les innombrables visages, au sommet des tours

Bayon 3

L’Île Sentinelle

C’est une île sauvage et couverte de brume,
Où des rocs acérés, comme des dents géantes,
Se dressent dans le ciel, où des lames grondantes
Cognent la falaise et l’éclaboussent d’écume.

Là-bas, dans le brouillard, formes blanches et vagues,
Se devinent la tour et le phare du Stiff ;
Face à la mer d’Iroise, au-dessus d’un récif,
N’est-ce-pas la Jument, que fracassent les vagues ?

Au milieu des ajoncs, des genêts, des fleurs rares,
Peut-être aperçoit-on le Créac’h, roi des phares,
Dont retentit, très loin, l’inquiétante sirène ?

Perdu sur son rocher qu’engloutit l’horizon,
Donjon de dur granit, s’élève Kéréon,
Qui veille sur Ouessant et protège Molène.

Ouessant, septembre 2018.

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Phare du Créac’h, le plus puissant du monde (portée de 60 km)

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La Côte Sauvage, avec le phare du Créac’h en arrière-plan
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Phare et tour radar du Stiff
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Phare de la Jument (photo de Jean Guichard)
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Phare de la Jument et son gardien (célèbre photo de Jean Guichard)
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Phare de Kéréon (photo de Jean Guichard)

Au-dessus des Flots

Elle se dresse en haut de son rocher aride,
Et sa flèche scintille au soleil, admirable,
Et son ombre s’étend loin, très loin, sur le sable,
Sur l’estran infini, sur la mer qui se vide.

Sereine, elle aperçoit, du sommet de son île,
Ces nouveaux pèlerins qui vont, infatigables,
En extase devant ses voûtes immuables,
Son cloître doux et calme aux arcades graciles.

Très haut dans le ciel bleu, l’archange Saint-Michel
Écrase le dragon, combat perpétuel,
Et brillent son épée, ses grandes ailes d’or !

Le soleil qui descend illumine les pierres,
Le sable, l’océan, et l’abbaye s’endort,
Loin au-dessus des flots, entre Dieu et la terre.

Jean-Paul Labaisse,
Le Mont Saint-Michel, septembre 2018,
grandes marées d’équinoxe.

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Mont Saint Michel jp

Mont Saint Michel cloitre

Mont Saint Michel moutons

Mont Saint Michel ombre

Mont Saint Michel

Jolie Vieille Dame

Jolie Dame

 

Longue robe rigide et corset de métal,
C’est une vieille dame à l’humeur sédentaire,
Qui s’habille de brun, couleur un rien austère
– Loin d’elle les bijoux, le luxe et le cristal !

Elle reçoit sans fin de nombreux visiteurs,
Qu’elle n’ose éconduire  – Elle est toujours polie…
Ils s’en vont, lui disant qu’elle est la plus jolie
De tout Paris – Faut-il croire ces vils flatteurs ?

Centenaire, elle sent bien peu le temps qui passe.
Elle toise sa sœur, habitant Montparnasse,
Immense benjamine aux ternes oripeaux…

Le soir, on voit briller sa robe sur la ville,
Qu’elle veille et chérit, sous son arche tranquille,
Et gémissent les ponts, et rêvent les bateaux…

Jean-Paul Labaisse, février 2018.

 

Vieille Dame

 

C’est une vieille dame un peu seule et hautaine,
Contemplant les jardins et les toits de Paris.
À ses pieds de métal, un troupeau de ponts gris,
Une couvée de bateaux musant sur la Seine.

Depuis la Belle Epoque, elle garde la ville,
Qui s’élève et grandit sous son ombre géante.
Elle en a vu monter, des flèches insolentes,
Des palais, des hôtels, des arches inutiles !

Elle toise sa sœur, cette tour Montparnasse,
Qu’elle domine allègrement , qu’elle surpasse,
De cent mètres et plus – Ah, l’affreuse cadette !

Le soir, elle revêt sa robe de lumière,
Ses atours scintillants, sa splendide guêpière…
Et brille dans la nuit sa noble silhouette.

Jean-Paul Labaisse,
Paris, 1er janvier 2018.

 

 

 

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Rêves d’Éléphant

Depuis que l’eau ruisselle et s’envole le sable,
Il immerge sa trompe au fond de l’océan,
Et remarque si peu, sur son dos de géant,
Ces étranges fourmis, promeneurs inlassables.

Il contemple l’Aiguille, obélisque admirable
Où viennent se poser sternes et goélands.
La tempête et la mer ont sculpté son corps blanc,
Son front strié de gris, sa tête vénérable.

Quand le soleil s’incline, enchantant l’horizon,
Il voit s’illuminer la belle Manneporte,
Son éternelle sœur, la hanche large et forte…

Solitaire, il s’endort, bercé par la chanson
De la brise et de l’eau, égaré dans ses rêves
– Et pleurent les galets, quelque part sur la grève.

Jean-Paul Labaisse
Etretat, mars 2018.

 

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« L’éléphant » d’Etretat, et la célèbre aiguille

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L’arche de Manneporte

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Sur la Plage

Je marchais sur la plage enveloppée de brume.
Malia disparaissait dans ce monde irréel.
Sur l’horizon, la mer se mélangeait au ciel.
Des vagues déposaient à mes pieds de l’écume.

Très loin, j’apercevais une forme bizarre :
Était-ce une bouée, un navire perdu,
Une île, un animal, monstre au cou distendu ?
Le chien aboyait, puis filait dans le brouillard.

La lune diffusait sa pâle clarté d’ambre ;
Des lumières naissaient, lampes, phares, étoiles,
Luisant sur la mer grise et dans le ciel opale,

Entre le jour blafard et la nuit de décembre.
La brise sur les flots chuchotait son refrain,
Cantilène, ballade au murmure incertain…

Jean-Paul Labaisse,
Le Coq, décembre 2016.

 

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Coucher de Soleil en Zélande

Le soleil se couchait doucement sur la mer ;
On voyait des voiliers, de blanches goélettes,
Des chalutiers montrant leurs sombres silhouettes,
Des cargos aux flancs bruns, des porte-containers.

Effleurant les poteaux, les buissons, les flots verts,
Un vent léger soufflait une frêle ariette ;
Sur le sable mouillé se posaient des mouettes,
Marchant à petits pas sur l’estran découvert.

La plage était déserte, aucun homme, aucune âme…
Les goélands criaient sur les noirs brise-lames,
Puis s’échappaient soudain dans le ciel amarante.

Les vagues chuchotaient leur chanson indécise,
Déposant sur la grève une caresse aimante,
Embruns, baisers d’écume emportés par la brise.


Jean-Paul Labaisse,
Zoutelande, septembre 2015 – juillet 2017.

 

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photos de Fabienne Corthals, à Zoutelande, septembre 2015.

 

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photos prises à Dishoek, juillet 2017.