Le Messager
Par un matin d’été renaissant dans le ciel,
Un oiseau, le regard tendre et mélancolique,
Blanche apparition de l’aube bucolique,
Est venu me surprendre en mon rêve éternel.
La brise ébouriffant son plumage incolore,
Il dirigeait vers moi sa tête au teint vermeil,
Et semblait me sourire en ses yeux de soleil,
Le gosier frissonnant dans le froid de l’aurore.
Messager d’un espoir dont je ne savais rien,
Il se tenait au cœur d’une pure lumière,
Caressant de rayons ma chambre de misère,
Soudainement ouverte à son souffle aérien.
Je savais qu’il venait des empires funèbres
Où il avait pu lire, en de sombres miroirs,
Le reflet de ma vie inscrit dans les cieux noirs,
Destin abandonné par les dieux aux ténèbres.
Il avait traversé les éthers ignorés,
Où des astres brillants font leurs parfaites rondes,
Tournant sans fin autour d’étoiles vagabondes,
Et baignés par l’ardeur de soleils mordorés.
Issu de la douceur de la clarté lunaire,
Il avait dû fermer les yeux dans un sommeil
Tout miroitant d’un songe au mirage vermeil,
Pour revivre au sommet de l’arbre millénaire.
Il avait chaviré sous le ciel tournoyant
Qui, chaque soir, chuchote aux plus vagues nuages,
Les douloureux décrets, les frémissants messages
De Celui qui gouverne Infini et Néant.
Peut-être savait-il la nuit inconsolée
Du renouveau de l’âme, au-delà de la mort,
Au moment où, paisible et libre de remord,
Elle part calmement vers la divine allée ?
Et sans doute était-il l’oiseau de paradis,
Poète sidéral revenu sur la terre,
Afin de murmurer le secret trinitaire
Des archanges peuplant les limbes interdits ?
Il avait embrassé la brume ensorcelée
Des royaumes défunts, où des spectres lointains
Montrent leurs fronts blafards et leurs regards éteints,
Passagers immortels du dernier mausolée.
Sa mémoire n’était que corridors princiers,
Et son sublime esprit tout peuplé de délire
Connaissait l’Inconnu, que rien ne peut traduire,
Ni les Mages nouveaux, ni les anciens Sorciers.
Je pensais qu’il voulait me conter son voyage
Dans l’espace et le temps, au cœur de l’univers,
Où vont mourir, auprès des territoires verts,
Les animaux sacrés, les hommes de courage.
Et même, je croyais qu’il me dirait enfin,
La vérité sur les choses et sur les êtres,
La clarté qui s’enfuit des célestes fenêtres,
Le visage de Dieu dans le ciel souverain.
J’ai doucement parlé à l’oiseau de mystère,
Modulant ma pensée au rythme de son cœur,
Approchant de mes mains son corps plein de vigueur,
Pour lui faire entrevoir mon âme solitaire.
Le divin messager ne m’a pas répondu,
Il a baissé ses yeux d’où s’écoulaient des larmes,
Et s’échappa léger, dans un envol de charmes,
Très loin, vers l’horizon immense et défendu.
L’oiseau ne m’a laissé qu’une plume soyeuse,
Scintillant dans les rais d’or du soleil levant,
Et qu’un filet de brise, une haleine de vent,
Agitait faiblement dans l’aube merveilleuse.
Reviendras-tu bientôt, frère au tendre regard,
Par un matin d’été plein de douces lumières,
Interrompre mon rêve, et ouvrir mes paupières
Sur un monde plus beau, sur un ciel sans brouillard ?
Jean-Paul Labaisse, 1983.
corrigé en 2015.
Adieu à l’Enfance
Ô toi qui fus l’ami de mon enfance,
Tu disparus un jour de grand soleil ;
Tu me fis découvrir les fruits vermeils
Qui naissent dans les fleurs de l’innocence.
Je ne puis oublier la nuit limpide
Où tu m’appris le monde et ses trésors ;
Les étoiles pleuraient des larmes d’or,
Les soleils traversaient le ciel livide.
Avec toi je n’ai plus connu la peur
De l’horizon noir et de ses mystères ;
Tu m’as emporté loin de notre terre,
Me serrant contre toi et ta chaleur.
Seul, j’ai grandi sous ton ombre géante,
Sans me préoccuper de l’avenir ;
Je n’ai pas su que tu devais partir
Là-bas, vers l’horizon et ses tourmentes.
Pourtant, tu viens parfois hanter mes rêves
Sous forme d’un oiseau aux yeux brillants ;
Tu ne me dis plus rien et, en pleurant,
Tu t’enfuis, sans un bruit, vers d’autres grèves.
Jean-Paul Labaisse 1983.
Ignacio Pinazo Camarlench – Paloma